par CORBEAU » 05 avr. 2025 03:29
FISSURE ET POSSIBLE INFILTRATION TRUMPIENNE ?
En 2010, j’ai fait une entrevue avec Michael Ignatieff alors qu’il marchait encore sur l’eau. Parfaitement bilingue, Ignatieff était présenté par une certaine élite comme un sauveur, celui qui allait sortir le Parti libéral des catacombes.
Boucar Diouf
Publié le 29 mars 2025
Je me souviens d’avoir rencontré un brillant intellectuel comme on en croise dans les universités et les centres de recherche, un homme de contenu qui semblait cependant ne pas réaliser à quel point la politique pouvait se transformer en arène romaine où s’entretuent des gladiateurs.
Aussi, lorsque la campagne a débuté, Ignatieff est resté un ennuyant et cérébral universitaire capable de faire ronfler un amphithéâtre pendant son cours. Si bien qu’après sa dégelée aux élections fédérales de 2011, son étoile a rapidement pâli avant de disparaître comme elle était apparue.
Si je vous déterre son cas, c’est parce que Mark Carney présente une certaine similitude de trajectoire politique avec Ignatieff. Je ne parle pas simplement ici de la façon dont il est arrivé en sauveur. Comme M. Ignatieff, il a un CV extraordinaire. À part M. Harper qui trouve qu’il s’attribue les faits d’armes des autres, personne ne conteste les compétences et réussites de Mark Carney.
Le seul problème est qu’il manque dramatiquement de mordant dans les deux langues. En bon québécois, il a l’air aussi « full plate » que Michael Ignatieff.
Si l’effet Trump ne s’était pas invité dans la campagne électorale, j’aurais parié mon bungalow qu’il risquait de connaître le même sort qu’Ignatieff.
Cependant, la singularité de ces élections qui se déroulent sur fond de menaces et d’intimidation étatsuniennes me force à garder une retenue, à ne pas jouer aux arts politiques divinatoires.
Je me retiens de faire des prédictions, car si Pierre Poilievre, le chevalier du « gros bon sens », continue de répéter ad nauseam sa rhétorique populiste et sans substance, M. Carney a de grandes chances de gagner en gardant le silence pendant les débats.
Le chef conservateur semble néanmoins avoir compris qu’imiter la façon de faire de M. Trump n’est pas un projet de société. Cette posture idéologique lui a bien servi. Du moins, avant que les droits de douane et la rhétorique de vassalisation du Canada de Donald Trump ne le déstabilisent.
Depuis, comme un chevreuil ébloui par des phares, il cherche difficilement sa place dans la campagne électorale.
Lorsque les citoyens qui travaillent dans les industries automobiles, de l’acier, de l’aluminium et du bois d’œuvre craignent de perdre leur gagne-pain et leur maison, il est bien difficile de leur présenter le wokisme et l’identité de genre comme de grandes menaces qui guettent le Canada.
Cela dit, depuis le début de la campagne, Poilievre a opté pour une certaine retenue qui pourrait peut-être l’aider si le naturel ne revient pas rapidement au galop. J’ai bien dit peut-être, car cette approche mimétique du président américain qui amène M. Poilievre à croire qu’opposer un « Canada d’abord » à son « America first » est une bonne idée représente le principal talon d’Achille du chef conservateur.
Chose certaine, pour revenir au titre de ma chronique, advenant une victoire de M. Carney, nous serons plongés dans une hégémonie libérale annonciatrice d’une crise dans notre démocratie.
Plus que les menaces de Donald Trump, cette quatrième victoire libérale risque de provoquer un ressentiment susceptible de secouer la stabilité du Canada.
Ce braquage viendra probablement de l’Alberta. Même si Mark Carney est favorable aux pipelines et tasse économiquement son parti vers la droite, ces conservateurs qui rêvent de prendre le pouvoir depuis trop longtemps penseront, à tort ou à raison, que leur vision politique n’a plus sa place au Canada.
Or, les Albertains aussi ont, si marginal soit-il, un mouvement indépendantiste qui élabore des plans de souveraineté en lorgnant ce qui se passe au Québec. La frustration postélectorale pourrait donc haranguer ce séparatisme.
Il restera alors à prier pour que M. Trump ne s’engouffre pas dans la brèche pour y ajouter du combustible. Surtout maintenant que Nicolás Maduro a refusé sa proposition impérialiste de mettre la main sur le pétrole du Venezuela.
Même si le premier ministre Carney rapporte que leur première conversation a été respectueuse, une puissante rétorsion sur les droits de douane du 2 avril pourrait amener le président-prédateur à reprendre sa rhétorique annexionniste.
Advenant un tel braquage, il n’est pas impossible que M. Trump propose ouvertement aux Albertains, dont il convoite les hydrocarbures, de rejoindre les États-Unis.
Avec déjà 15 % de sa population favorable à son projet d’annexion, comme rapporté dans un sondage Léger, il y a de quoi s’inquiéter.
Pour mieux anticiper cette possibilité d’ingérence, il suffit de voir ce qui se passe au Groenland. Depuis que M. Trump a appris qu’il y avait un mouvement souverainiste sur ce territoire qu’il convoite, il l’instrumentalise et le soutient avantageusement au détriment du Danemark.
De la même façon, le jour où il apprendra qu’il y a un mouvement qui prône la souveraineté de l’Alberta, il se peut qu’il nous montre un autre aspect de sa personnalité machiavélique.
Si le président américain a choisi la question de l’urne de ces élections fédérales, il pourrait bien suggérer celle d’un premier référendum en Alberta : « Voulez-vous quitter le Canada avec ma bénédiction et rejoindre les États-Unis qui acceptent mieux l’idéologie conservatrice que vous portez majoritairement ? »
Pour terminer, espérons que le changement de ton du président américain est annonciateur d’un désir de reculer sans perdre la face. Peut-être a-t-il fini par réaliser que les États-Unis ont plus besoin du Canada que l’inverse.
Pour un ego démesuré qui n’acceptera jamais de s’être trompé, peut-être que cet éloge de M. Carney sera sa porte de sortie pour lâcher le Canada, au grand bonheur de l’économie américaine. Qui sait ?
Source : https://www.lapresse.ca/elections-feder ... pienne.php
Et si vraiment l’objectif réel et occulté du roi Donald consistait à démanteler le Canada en débutant par l’Alberta où il aurait déjà fait pénétrer son cheval de Troie, avec au final l’accaparement de l’état et des ressources canadiens ?

[color=aqua][size=150][i][b]FISSURE ET POSSIBLE INFILTRATION TRUMPIENNE ?[/b]
[b]En 2010, j’ai fait une entrevue avec Michael Ignatieff alors qu’il marchait encore sur l’eau. Parfaitement bilingue, Ignatieff était présenté par une certaine élite comme un sauveur, celui qui allait sortir le Parti libéral des catacombes.[/b]
Boucar Diouf
Publié le 29 mars 2025
Je me souviens d’avoir rencontré un brillant intellectuel comme on en croise dans les universités et les centres de recherche, un homme de contenu qui semblait cependant ne pas réaliser à quel point la politique pouvait se transformer en arène romaine où s’entretuent des gladiateurs.
Aussi, lorsque la campagne a débuté, Ignatieff est resté un ennuyant et cérébral universitaire capable de faire ronfler un amphithéâtre pendant son cours. Si bien qu’après sa dégelée aux élections fédérales de 2011, son étoile a rapidement pâli avant de disparaître comme elle était apparue.
Si je vous déterre son cas, c’est parce que Mark Carney présente une certaine similitude de trajectoire politique avec Ignatieff. Je ne parle pas simplement ici de la façon dont il est arrivé en sauveur. Comme M. Ignatieff, il a un CV extraordinaire. À part M. Harper qui trouve qu’il s’attribue les faits d’armes des autres, personne ne conteste les compétences et réussites de Mark Carney.
Le seul problème est qu’il manque dramatiquement de mordant dans les deux langues. En bon québécois, il a l’air aussi « full plate » que Michael Ignatieff.
[b]Si l’effet Trump ne s’était pas invité dans la campagne électorale, j’aurais parié mon bungalow qu’il risquait de connaître le même sort qu’Ignatieff.[/b]
Cependant, la singularité de ces élections qui se déroulent sur fond de menaces et d’intimidation étatsuniennes me force à garder une retenue, à ne pas jouer aux arts politiques divinatoires.
Je me retiens de faire des prédictions, car si Pierre Poilievre, le chevalier du « gros bon sens », continue de répéter ad nauseam sa rhétorique populiste et sans substance, M. Carney a de grandes chances de gagner en gardant le silence pendant les débats.
Le chef conservateur semble néanmoins avoir compris qu’imiter la façon de faire de M. Trump n’est pas un projet de société. Cette posture idéologique lui a bien servi. Du moins, avant que les droits de douane et la rhétorique de vassalisation du Canada de Donald Trump ne le déstabilisent.
[b]Depuis, comme un chevreuil ébloui par des phares, il cherche difficilement sa place dans la campagne électorale.[/b]
Lorsque les citoyens qui travaillent dans les industries automobiles, de l’acier, de l’aluminium et du bois d’œuvre craignent de perdre leur gagne-pain et leur maison, il est bien difficile de leur présenter le wokisme et l’identité de genre comme de grandes menaces qui guettent le Canada.
Cela dit, depuis le début de la campagne, Poilievre a opté pour une certaine retenue qui pourrait peut-être l’aider si le naturel ne revient pas rapidement au galop. J’ai bien dit peut-être, car cette approche mimétique du président américain qui amène M. Poilievre à croire qu’opposer un « Canada d’abord » à son « America first » est une bonne idée représente le principal talon d’Achille du chef conservateur.
Chose certaine, pour revenir au titre de ma chronique, advenant une victoire de M. Carney, nous serons plongés dans une hégémonie libérale annonciatrice d’une crise dans notre démocratie.
[b] [color=Orangered]Plus que les menaces de Donald Trump, cette quatrième victoire libérale risque de provoquer un ressentiment susceptible de secouer la stabilité du Canada.[/b]
Ce braquage viendra probablement de l’Alberta. Même si Mark Carney est favorable aux pipelines et tasse économiquement son parti vers la droite, ces conservateurs qui rêvent de prendre le pouvoir depuis trop longtemps penseront, à tort ou à raison, que leur vision politique n’a plus sa place au Canada.
Or, les Albertains aussi ont, si marginal soit-il, un mouvement indépendantiste qui élabore des plans de souveraineté en lorgnant ce qui se passe au Québec. La frustration postélectorale pourrait donc haranguer ce séparatisme.
Il restera alors à prier pour que M. Trump ne s’engouffre pas dans la brèche pour y ajouter du combustible. Surtout maintenant que Nicolás Maduro a refusé sa proposition impérialiste de mettre la main sur le pétrole du Venezuela. [/color]
Même si le premier ministre Carney rapporte que leur première conversation a été respectueuse, une puissante rétorsion sur les droits de douane du 2 avril pourrait amener le président-prédateur à reprendre sa rhétorique annexionniste.
[b] [color=Red][size=200]Advenant un tel braquage, il n’est pas impossible que M. Trump propose ouvertement aux Albertains, dont il convoite les hydrocarbures, de rejoindre les États-Unis[/size].[/b]
[color=Orangered]Avec déjà 15 % de sa population favorable à son projet d’annexion, comme rapporté dans un sondage Léger, il y a de quoi s’inquiéter.
Pour mieux anticiper cette possibilité d’ingérence, il suffit de voir ce qui se passe au Groenland. Depuis que M. Trump a appris qu’il y avait un mouvement souverainiste sur ce territoire qu’il convoite, il l’instrumentalise et le soutient avantageusement au détriment du Danemark.
De la même façon, le jour où il apprendra qu’il y a un mouvement qui prône la souveraineté de l’Alberta, il se peut qu’il nous montre un autre aspect de sa personnalité machiavélique.
Si le président américain a choisi la question de l’urne de ces élections fédérales, il pourrait bien suggérer celle d’un premier référendum en Alberta : « Voulez-vous quitter le Canada avec ma bénédiction et rejoindre les États-Unis qui acceptent mieux l’idéologie conservatrice que vous portez majoritairement ? »[/color]
[color=aqua]Pour terminer, espérons que le changement de ton du président américain est annonciateur d’un désir de reculer sans perdre la face. Peut-être a-t-il fini par réaliser que les États-Unis ont plus besoin du Canada que l’inverse.
Pour un ego démesuré qui n’acceptera jamais de s’être trompé, peut-être que cet éloge de M. Carney sera sa porte de sortie pour lâcher le Canada, au grand bonheur de l’économie américaine. Qui sait ?[/i][/color][/size]
Source : https://www.lapresse.ca/elections-federales/chroniques/2025-03-29/fissure-et-possible-infiltration-trumpienne.php
[color=chartreuse][size=200]Et si vraiment l’objectif réel et occulté du roi Donald consistait à démanteler le Canada en débutant par l’Alberta où il aurait déjà fait pénétrer son cheval de Troie, avec au final l’accaparement de l’état et des ressources canadiens ?[/size][/color]
;)