Crois-tu que Trump pourrait envoyer l’armée au Canada pour nous annexer de force aux États-Unis ?
Paul Arcand
Publié le 29 mars 2025
On me pose cette question tous les jours. Pas des complotistes qui carburent à chaque nouvelle théorie à la mode sur le web. Non. Je vous parle de citoyens inquiets qui n’excluent aucun scénario tellement le Monarque est impulsif et imprévisible. Aucune logique. Des coups de gueule, de l’intimidation, des changements de cap. Tout semble possible.
Le Canada, 51e État américain ? Au départ, c’était vu comme une blague. Mais comme Trump martelait sans cesse cette idée, les experts ont conclu à une stratégie de négociations dans la guerre commerciale. Justin Trudeau nous a lancé un avertissement en disant à Toronto, derrière des portes closes mais micro à la main, que la « menace d’annexion est réelle ». Trump veut tirer profit de nos ressources. La guerre au fentanyl et aux « immigrants illégaux » n’est qu’un prétexte. Il veut faire basculer l’économie, le moyen le plus facile pour mettre la main sur le Canada.
Notre réponse collective : une montée du nationalisme canadien, un boycottage efficace des produits américains, l’achat local et la promesse des gouvernements d’aider les entreprises qui seront les plus durement touchées. Même la statue de Wayne Gretzky a été vandalisée à Edmonton parce que l’icône nationale du passé est devenue aujourd’hui un Américain dans l’âme, un ami de Trump.
Qu’est-ce qui mijote dans la tête de Donald pour faire face à cette vague ?
Envahir le Canada ? Une offensive militaire ? Des convois de blindés qui traversent le poste de Lacolle pour se déployer aux endroits stratégiques ? Est-ce qu’il s’imagine que ses troupes seront accueillies comme des libérateurs rue Sainte-Catherine ?
Les traités établissant la frontière entre les deux pays n’ont aucune valeur à ses yeux. La clôture du voisin est sur son terrain !
Charles-Philippe David, président de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM : « Il peut prendre la population canadienne en otage sans envoyer l’armée. Si le Canada ne veut pas négocier de bonne foi, ce qui signifie lui donner ce qu’il exige, il va reprendre des territoires qu’il considère lui appartenir… avec des coups de force ciblés parce que nous sommes plus petits que lui. »
Jocelyn Coulon, rédacteur en chef du blogue du Conseil des relations internationales de Montréal, ajoute : « Le Canada est un territoire indéfendable. Le jour où les Américains veulent prendre le contrôle de certaines infrastructures, ils savent que ce sera très facile. Nous avons une petite armée, moins de 70 000 soldats, quelques chars d’assaut, et des équipements désuets. En cas de confrontation, ils vont nous envoyer un texto en disant “rendez-vous” et on n’aura pas le choix ! Je ne vois pas des chars américains se dirigeant vers Ottawa ou Toronto, mais je vois des prises de contrôle de certaines positions stratégiques. »
Jocelyn Coulon pose la question : « Qu’est-ce que ça veut dire, d’être annexé complètement ? Qu’est-ce qu’on fait avec les 10 provinces et les 3 territoires ? Comment sont-ils représentés à la Chambre des représentants et au Sénat ? Tout cela me semble d’une absurdité incroyable ! »
Charles-Philippe David constate que « Trump adore tester la résistance de son adversaire. Le Groenland est un ballon d’essai pour envoyer aussi un message au Canada. Il va se servir de la menace pour avoir accès aux matières premières dont il a besoin et contrôler davantage la région des Grands Lacs. »
Il n’y aura pas une guerre conventionnelle.
Oubliez les véhicules de transport de troupes remontant la 87 dans l’État de New York ou un escadron de F-35 en position de combat dans le ciel de l’Alberta. Trump opte pour l’envoi de missiles tarifaires qui vont atteindre le cœur de l’économie et forcer le Canada à capituler. Pas besoin de recourir à la force militaire. Il le sait et nous le savons. David n’a aucune chance contre Goliath.
Une guerre propre qui fera quand même des victimes des deux côtés.
Nous ne sommes plus des pays amis, des alliés et des partenaires économiques. Aux yeux du Monarque, le Canada est un territoire à conquérir. Trump répète qu’il a des cartes entre les mains et que nous n’en avons pas, une expression qu’il a utilisée lors de la séance d’intimidation du président ukrainien, Volodymyr Zelensky. Autrement dit, Trump contrôle le jeu, il est le plus fort, il va gagner et le Canada va perdre.
Le Roi admire le président russe, Vladimir Poutine, et le président chinois, Xi Jinping. Ils sont dans la même ligue. Voilà de vrais leaders qui ne tolèrent aucune dissidence, qui emprisonnent les adversaires politiques ou qui les font tout simplement disparaître.
Il aimerait tellement avoir autant de pouvoir qu’eux. Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Mais il y a sur sa route ceux qu’il qualifie « d’emmerdeurs de juges gauchistes » qui lui mettent des bâtons dans les roues et qu’il voudrait bien destituer.
Vous n’avez pas envie de devenir citoyen américain ?
Sa Magnificence est en train de faire le grand ménage. La maison est prête à accueillir les servantes écarlates. Dieu revient dans les écoles. Les wokes ne sont plus subventionnés. Les réfugiés sont retournés chez eux. Les pauvres se font couper les vivres. Le vendeur de Tesla s’assure de ramasser des contrats et de faire disparaître tous les obstacles qui limitent les profits.
En 2010, j’ai fait une entrevue avec Michael Ignatieff alors qu’il marchait encore sur l’eau. Parfaitement bilingue, Ignatieff était présenté par une certaine élite comme un sauveur, celui qui allait sortir le Parti libéral des catacombes.
Boucar Diouf
Publié le 29 mars 2025
Je me souviens d’avoir rencontré un brillant intellectuel comme on en croise dans les universités et les centres de recherche, un homme de contenu qui semblait cependant ne pas réaliser à quel point la politique pouvait se transformer en arène romaine où s’entretuent des gladiateurs.
Aussi, lorsque la campagne a débuté, Ignatieff est resté un ennuyant et cérébral universitaire capable de faire ronfler un amphithéâtre pendant son cours. Si bien qu’après sa dégelée aux élections fédérales de 2011, son étoile a rapidement pâli avant de disparaître comme elle était apparue.
Si je vous déterre son cas, c’est parce que Mark Carney présente une certaine similitude de trajectoire politique avec Ignatieff. Je ne parle pas simplement ici de la façon dont il est arrivé en sauveur. Comme M. Ignatieff, il a un CV extraordinaire. À part M. Harper qui trouve qu’il s’attribue les faits d’armes des autres, personne ne conteste les compétences et réussites de Mark Carney.
Le seul problème est qu’il manque dramatiquement de mordant dans les deux langues. En bon québécois, il a l’air aussi « full plate » que Michael Ignatieff.
Si l’effet Trump ne s’était pas invité dans la campagne électorale, j’aurais parié mon bungalow qu’il risquait de connaître le même sort qu’Ignatieff.
Cependant, la singularité de ces élections qui se déroulent sur fond de menaces et d’intimidation étatsuniennes me force à garder une retenue, à ne pas jouer aux arts politiques divinatoires.
Je me retiens de faire des prédictions, car si Pierre Poilievre, le chevalier du « gros bon sens », continue de répéter ad nauseam sa rhétorique populiste et sans substance, M. Carney a de grandes chances de gagner en gardant le silence pendant les débats.
Le chef conservateur semble néanmoins avoir compris qu’imiter la façon de faire de M. Trump n’est pas un projet de société. Cette posture idéologique lui a bien servi. Du moins, avant que les droits de douane et la rhétorique de vassalisation du Canada de Donald Trump ne le déstabilisent.
Depuis, comme un chevreuil ébloui par des phares, il cherche difficilement sa place dans la campagne électorale.
Lorsque les citoyens qui travaillent dans les industries automobiles, de l’acier, de l’aluminium et du bois d’œuvre craignent de perdre leur gagne-pain et leur maison, il est bien difficile de leur présenter le wokisme et l’identité de genre comme de grandes menaces qui guettent le Canada.
Cela dit, depuis le début de la campagne, Poilievre a opté pour une certaine retenue qui pourrait peut-être l’aider si le naturel ne revient pas rapidement au galop. J’ai bien dit peut-être, car cette approche mimétique du président américain qui amène M. Poilievre à croire qu’opposer un « Canada d’abord » à son « America first » est une bonne idée représente le principal talon d’Achille du chef conservateur.
Chose certaine, pour revenir au titre de ma chronique, advenant une victoire de M. Carney, nous serons plongés dans une hégémonie libérale annonciatrice d’une crise dans notre démocratie.
Plus que les menaces de Donald Trump, cette quatrième victoire libérale risque de provoquer un ressentiment susceptible de secouer la stabilité du Canada.
Ce braquage viendra probablement de l’Alberta. Même si Mark Carney est favorable aux pipelines et tasse économiquement son parti vers la droite, ces conservateurs qui rêvent de prendre le pouvoir depuis trop longtemps penseront, à tort ou à raison, que leur vision politique n’a plus sa place au Canada.
Or, les Albertains aussi ont, si marginal soit-il, un mouvement indépendantiste qui élabore des plans de souveraineté en lorgnant ce qui se passe au Québec. La frustration postélectorale pourrait donc haranguer ce séparatisme.
Il restera alors à prier pour que M. Trump ne s’engouffre pas dans la brèche pour y ajouter du combustible. Surtout maintenant que Nicolás Maduro a refusé sa proposition impérialiste de mettre la main sur le pétrole du Venezuela.
Même si le premier ministre Carney rapporte que leur première conversation a été respectueuse, une puissante rétorsion sur les droits de douane du 2 avril pourrait amener le président-prédateur à reprendre sa rhétorique annexionniste.
Advenant un tel braquage, il n’est pas impossible que M. Trump propose ouvertement aux Albertains, dont il convoite les hydrocarbures, de rejoindre les États-Unis.
Avec déjà 15 % de sa population favorable à son projet d’annexion, comme rapporté dans un sondage Léger, il y a de quoi s’inquiéter.
Pour mieux anticiper cette possibilité d’ingérence, il suffit de voir ce qui se passe au Groenland. Depuis que M. Trump a appris qu’il y avait un mouvement souverainiste sur ce territoire qu’il convoite, il l’instrumentalise et le soutient avantageusement au détriment du Danemark.
De la même façon, le jour où il apprendra qu’il y a un mouvement qui prône la souveraineté de l’Alberta, il se peut qu’il nous montre un autre aspect de sa personnalité machiavélique.
Si le président américain a choisi la question de l’urne de ces élections fédérales, il pourrait bien suggérer celle d’un premier référendum en Alberta : « Voulez-vous quitter le Canada avec ma bénédiction et rejoindre les États-Unis qui acceptent mieux l’idéologie conservatrice que vous portez majoritairement ? »
Pour terminer, espérons que le changement de ton du président américain est annonciateur d’un désir de reculer sans perdre la face. Peut-être a-t-il fini par réaliser que les États-Unis ont plus besoin du Canada que l’inverse.
Pour un ego démesuré qui n’acceptera jamais de s’être trompé, peut-être que cet éloge de M. Carney sera sa porte de sortie pour lâcher le Canada, au grand bonheur de l’économie américaine. Qui sait ?
Et si vraiment l’objectif réel et occulté du roi Donald consistait à démanteler le Canada en débutant par l’Alberta où il aurait déjà fait pénétrer son cheval de Troie, avec au final l’accaparement de l’état et des ressources canadiens ?
CORBEAU a écrit : ↑05 avr. 2025 03:29FISSURE ET POSSIBLE INFILTRATION TRUMPIENNE ?
Chose certaine, pour revenir au titre de ma chronique, advenant une victoire de M. Carney, nous serons plongés dans une hégémonie libérale annonciatrice d’une crise dans notre démocratie.
Plus que les menaces de Donald Trump, cette quatrième victoire libérale risque de provoquer un ressentiment susceptible de secouer la stabilité du Canada.
Ce braquage viendra probablement de l’Alberta. Même si Mark Carney est favorable aux pipelines et tasse économiquement son parti vers la droite, ces conservateurs qui rêvent de prendre le pouvoir depuis trop longtemps penseront, à tort ou à raison, que leur vision politique n’a plus sa place au Canada.
Or, les Albertains aussi ont, si marginal soit-il, un mouvement indépendantiste qui élabore des plans de souveraineté en lorgnant ce qui se passe au Québec. La frustration postélectorale pourrait donc haranguer ce séparatisme.
Il restera alors à prier pour que M. Trump ne s’engouffre pas dans la brèche pour y ajouter du combustible. Surtout maintenant que Nicolás Maduro a refusé sa proposition impérialiste de mettre la main sur le pétrole du Venezuela.
Même si le premier ministre Carney rapporte que leur première conversation a été respectueuse, une puissante rétorsion sur les droits de douane du 2 avril pourrait amener le président-prédateur à reprendre sa rhétorique annexionniste.
Advenant un tel braquage, il n’est pas impossible que M. Trump propose ouvertement aux Albertains, dont il convoite les hydrocarbures, de rejoindre les États-Unis.
Avec déjà 15 % de sa population favorable à son projet d’annexion, comme rapporté dans un sondage Léger, il y a de quoi s’inquiéter.
Pour mieux anticiper cette possibilité d’ingérence, il suffit de voir ce qui se passe au Groenland. Depuis que M. Trump a appris qu’il y avait un mouvement souverainiste sur ce territoire qu’il convoite, il l’instrumentalise et le soutient avantageusement au détriment du Danemark.
De la même façon, le jour où il apprendra qu’il y a un mouvement qui prône la souveraineté de l’Alberta, il se peut qu’il nous montre un autre aspect de sa personnalité machiavélique.
Si le président américain a choisi la question de l’urne de ces élections fédérales, il pourrait bien suggérer celle d’un premier référendum en Alberta : « Voulez-vous quitter le Canada avec ma bénédiction et rejoindre les États-Unis qui acceptent mieux l’idéologie conservatrice que vous portez majoritairement ? »
Pour terminer, espérons que le changement de ton du président américain est annonciateur d’un désir de reculer sans perdre la face. Peut-être a-t-il fini par réaliser que les États-Unis ont plus besoin du Canada que l’inverse.
Pour un ego démesuré qui n’acceptera jamais de s’être trompé, peut-être que cet éloge de M. Carney sera sa porte de sortie pour lâcher le Canada, au grand bonheur de l’économie américaine. Qui sait ?
Et si vraiment l’objectif réel et occulté du roi Donald consistait à démanteler le Canada en débutant par l’Alberta où il aurait déjà fait pénétrer son cheval de Troie, avec au final l’accaparement de l’état et des ressources canadiens ?
Donc, l'objectif poursuivi par l'empereur : favoriser l'élection de Mark Carney, pour ensuite faire main basse sur l'Alberta et pouvoir dépecer le Canada à sa guise. Fallait y penser!