Après cela, cette élite, pleinement consciente du risque de la dissidence qui peut se produire - à un moment ou à un autre, et pour des raisons qu'il est impossible d'anticiper - dans les esprits des individus les plus (ou les moins) orthodoxes, veut s'assurer qu'il ne puisse exister. C'est pourquoi elle établit une condition additionnelle à l'entrée dans l'élite, qui consiste en une compromission du candidat, peu importe sa nature, puisque, après tout, plus grave elle sera, et mieux elle dissuadera le futur membre de l'élite de se révolter plus tard. Cette compromission ne doit être connue que de quelques membres de l'élite, et de ses agents qu'elle a chargés d'en exploiter ou d'en organiser la nature. La diversité des compromissions est aussi vaste que ce que la justice de droit commun compte de délits, et, mieux encore, que ce que l'opinion de la société compte de fautes morales. L'enquête de moralité qui précède l'admission d'un candidat au sein de l'élite comprend la recherche de ses éventuels vices, ou mieux, la collecte de ses éventuelles fautes dont il est possible d'obtenir des preuves matérielles ou des témoignages dont on ne peut douter, ou que l'on peut facilement faire passer pour vrais. Ce premier moyen de pression doit servir à convaincre le candidat de se compromettre d'autres fois encore et de diverses manières, afin de collecter un choix de diverses gravités de compromissions tout au long de sa vie de membre de l'élite. Les preuves de ces compromissions, qui doivent être aussi nombreuses que possible pour être indiscutables, sont réunies dans des dossiers qui deviennent aussitôt les plus grands secrets de la Nation, et les mieux gardés.(Bizarre! On dirait l’affaire Epstein!)
Grâce à la méthode particulière qui vient d'être présentée, le membre de l'élite qui manifeste un comportement dissident pourra être invité à revenir à l'orthodoxie qu'il avait montrée lors de son admission dans l'élite, sous peine de la révélation publique de l'une de ses fautes, et d'être appelé à comparaître dans un tribunal. Ou encore, l'échantillonnage de celles-ci, dont l'élite dispose collectivement, permet en cette circonstance, par exemple, d'exposer une première faute de faible gravité, un acte que celui qu'elle concerne devra interpréter à la fois comme un avertissement, et comme une punition sanctionnant son écart de conduite. Si, malgré le préjudice qui lui est ainsi infligé, il persiste, alors une deuxième de ses fautes, de plus grande gravité, est aussitôt révélée, et ainsi de suite. Lorsque l'écart de conduite est jugé grave et préjudiciable à l'ensemble de l'élite, ou à certains de ses membres comptant parmi les plus puissants, la sanction est accompagnée d'une exclusion temporaire, ou définitive, de l'élite. Parlant des fautes les plus graves qu'un membre de l'élite peut commettre (c'est-à-dire une relation secrète avec un ennemi extérieur, ou la divulgation de secrets d'État), la sanction peut être un ensemble d'actions hostiles et persistantes qui doivent le ruiner en sus de son exclusion, et le discréditer plus encore, et ainsi jusqu'à ce que personne dans tout le pays ne lui porte plus longtemps la moindre considération, et ne lui accorde la moindre miséricorde. Enfin, la sanction peut être la mort, infligée de manière violente et rapide, ou prenant la forme d'une maladie y menant lentement et péniblement. De plus amples explications concernant ce sujet très particulier, complétées de quelques exemples, seront présentées au dernier article de ce livre.
Typiquement, les compromissions qui permettent de s'assurer de la fidélité et de l'orthodoxie d'un membre de l'élite sont : des pratiques sexuelles que la société perçoit comme honteuses, ou qui peuvent être passibles d'un emprisonnement ; de fausses trahisons que celui qu'elles concernent croit authentiques ; des implications dans des fraudes diverses, etc. »
Source : THÉORIE ET PRATIQUE DU COLLECTIVISME OLIGARCHIQUE par J. B. E. Goldstein, pages 83-84.
